Le patron de Bellême Bois, Jean-Louis Chalmandrier, fier d’avoir fourni une pièce primordiale de L’Hermione.

La réplique de la frégate de La Fayette, parti combattre les Anglais auprès des Américains en 1780, vogue sur les traces de l’Histoire. Grâce, en partie, aux chênes du Perche. 28/04/2015  par amine el hasnaouy

Partie de l’île d’Aix le samedi 18 avril, L’Hermione doit rejoindre Yorktown, aux Etats-Unis, le 5 juin. La frégate retrace le parcours du Marquis de La Fayette, parti au secours des insurgents des Amériques.

Avant de se lancer dans cette excursion, une équipe de passionnés a dû remonter de toutes pièces cette belle des mers, échouée sur le plateau du Four, aux larges de l’estuaire de la Loire. Et utiliser du bois percheron.

Titanesque

Deux pièces aussi « exceptionnelles » à trouver que « primordiales » à la tenue du bateau. La scierie Bellême Bois, de Saint-Martin-du-Vieux-Bellême, a réussi ce tour de force. En participant à la réalisation de ce navire version 1997. Jean-Louis Chalmandrier ne cache pas sa fierté. Et révèle un travail titanesque. Les premiers contacts avec l’association Hermione-La Fayette remontent à 1999. L’année de la grande tempête. « Il a fallu réapprovisionner le chantier. »

Affronter la mer

La rigidité de l’avant de trois-mâts dépend de deux pièces identiques de douze mètres de long issues d’un chêne de la forêt de Bellême, à Igé. Il s’agit de l’hiloire.

« Techniquement, l’hiloire est la plus dure car elle affronte la mer de face », rapporte Jean-Louis Chalmandrier, parfaitement documenté sur le sujet.

« Quand on fait ce métier, il faut avoir une très bonne connaissance des forêts du coin. Certains regardent les belles voitures ou les jolies femmes, moi, ce sont les arbres. »

Il a trouvé son bonheur dans la forêt domaniale de Lonné, chez Hugues d’Orglandes, exploitant forestier.

Trait de Jupiter

« On a un bout de bois qui est rentré dans L’Hermione ? », interroge, curieux, ce dernier. « La quille ? », demande-t-il à Jean-Louis Chalmandrier.

« Non. L’hiloire. Une pièce exceptionnelle », répond le patron de l’entreprise saint-martinoise. « Nous l’avons trouvé sur le trait de Jupiter. » Une allée en forme d’éclair imaginée en 1780. Celle-ci fait référence au Dieu romaine qui gouverne la terre et le ciel.

« Ses bois sont réputés pour leur qualité intrinsèque », assure Jean-Louis Chalmandrier.

Géné par les branches d’un gros arbre, ce chêne a poussé en prenant un léger virage juste au-dessus d’un mur qui se trouvait de l’autre côté. Pour former une virgule. Il n’en fallait pas plus pour taper dans l’œil du menuisier.

Le pied marin

Sortir l’arbre de terre n’a pas été une mince affaire. « Il a fallu l’émonder et l’abattre. Puis deux engins de débardages ont été nécessaires. Après avoir emmené ce chêne à la scierie, il fallait qu’il corresponde. » Avant d’être acheminé vers une scierie équipée d’une scie horizontale afin de découper deux pièces identiques.

Pas marin du tout dans l’âme, le Percheron n’hésite pas à s’investir. Pour lui-même.

« Notre rôle en tant que scierie, explique-t-il, est de jouer l’interface entre la Nature et ce que l’Homme a besoin. Nous travaillons aussi bien pour l’habitat, l’aménagement extérieur que pour le maritime. »

Entre 2002 et 2007, Bellême Bois a fourni une pièce de dix-huit mètres. « Sans un nœud. » Utilisée pour créer la quille d’un drakkar qui a la particularité d’avoir été entièrement réalisé avec des arbres du Perche.

Bellême Bois a plus que jamais le pied marin.

 

Share Button